1873 -
Emigration
Thèmes:
Naufrage de l'Atlantic (parti le 20 mars 1873 de Liverpool).
L'article du Quotidien Jurassien résume les faits des articles suivants
Un journal américain apporte le récit suivant du naufrage de l'Atlantic dans lequel plusieurs de nos compatriotes ont péri :
Le 2, des amis, des parents, partent de New-York, de Massachusetts, de divers points de la Nouvelle-Angleterre, pour Halifax. Une collision a eu lieu sur le chemin de fer. Trois ou quatre par sonnes sont tuées. Ce n est rien. On s'attend à bien autre chose. On arrive à minuit à l'hôtel d'Halifax. Il faut attendre le jour, au milieu des plus effroyables récits.
Le matin, le petit vapeur Henry Rood quitte le quai du Commerce avec le capitaine Merritt, de la Compagnie de sauvetage de New-York; M. Pennell, de la ligne de l'Etoile blanche, à laquelle appartenait l'Atlantic, et des reporters du Herald, qui s'étaient précautionnés de bateaux plus loin, pour eux et quelques confrères.
Le rivage est affreux à voir. Des trains de chemins de fer apportent des piles de cercueils qui ne suffiront pas. Des charpentiers et menuisiers sont là sur le rivage, dégrossissant du sapin à grands coups de hache, et clouant des planches à la hâte. Le quai Cunard en est encombré.
On arrive à Meagher-Islande, l'île témoin du sinistre. L'Atlantic sort de l'eau par ses mâts. Mais ce n'est pas là ce qui inquiète. D'innombrables petits bateaux, montés par les pêcheurs les plus intrépides, et munis de harpons, grappins, cordes, sillonnent la mer, à travers les écueils. Ils nagent au travers de mille débris de planches; de lettres de Suède et de Danemark; d'appareils photographiques, de membres nus qui flottent.
Nous voilà sur le roc qui a été le théâtre du désespoir. Il a 30 pieds de côté. C'est là que des centaines de malheureux ont attendu vainement du secours. Il faudrait des volumes pour raconter tous les actes d'héroïsme ou de cruauté qu'il a vus. Les bateaux sont encore obligés de repousser les brigands de la mer qu'on appelle Ghoules, et qui viennent pour piller. En voici deux qui se battent sur un écueil. Ils tombent à la mer. Ils ne pilleront plus. Et cependant la mer continue à porter des cadavres au rivage, où on les entasse, et où ils forment la colline de la mort. Nous les reverrons en revenant.
Autour du roc, tout a été sondé. Il n'y a plus de cadavres au fond. On dépèce au large le navire qui s'en va déjà en morceaux. On attend les reporters du Herald, qui se sont fait descendre, avec un appareil de plongeur, dans les flancs de l'Atlantic. Là ils ont vu des piles de morts, environnés de poissons qui les dévorent, avec les restes de la cargaison avariée.
Là était la "chambre nuptiale" de M. Fisher, de Vermont, qui avait été avocat à Londres et Venait d'épouser mis Ripley, fille du gouverneur de la Banque nationale du comté de Rutland. Il venait faire une surprise à sa famille de New-York. Sa femme l'a supplié de se sauver seul. Il a refusé. Au reste, tous les maris ont eu le même héroïsme. Le câble l'avait dit. On les voit là avec leurs femmes.
Des mères sont avec leurs enfants, dont on ne peut les séparer. Les bras sont raidis par la mort. Une belle femme a serré et noué sa robe et ses châles autour d'elle, pour soustraire son corps aux regards. Un vieillard serre dans sa main une bourse et cinquante souverains. Des femmes sont dans l'attitude de la prière. Des hommes ont les bras étendus, comme s'ils voulaient nager.
Leurs yeux sont démesurément ouverts, comme pour chercher une chance de salut. Il y en a dont les poches ont été coupées par les voleurs. D'autres, comme M. Davidson ont encore sur eux des centaines de dollars. D'autres avaient de l'or cousu dans leurs habits; il a été arraché. Il y a des enfants qui paraissent dormir dans leurs berceaux, Dans les cabines, près du gouvernail, il y a encore 100 cadavres.
(suite au prochain document)